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L’indemnité d’éloignement : la prime néo coloniale par excellence.

par | 17 Jan 2015

L’intégration au Cirad de la majorité du personnel qui était issue des anciens Instituts de Recherche a été établi officiellement en 1985.

Ce profond changement s’est opéré par étapes et selon plusieurs processus. L’un d’entre eux, sévèrement critiqué, résulte de la naissance d’une convention d’entreprise spécifique pour les agents ultramarins alors que paradoxalement les politiques publiques affichaient une homogénéisation de traitement pour tous les agents intégrés au CIRAD. Cette volonté de l’Etat a été figée au départ par l’article 6 al 6 du décret du 5 juin 1984 qui disposait que : ‘Les conditions générales de recrutement, d’emploi et de rémunération des personnels, pour lesquels il sera établi un régime unique’.

Il n’est donc nul besoin d’une longue démonstration pour comprendre l’amertume qu’éprouvent depuis 30 ans les agents ‘‘locaux’’. C’est bien un changement de paradigme qui est survenu au tournant des années 1985 et 1990, mais il n’a pas été sans conséquence pour les salariés recrutés dans les départements d’Outre-mer.

Le soleil, les cocotiers, les plages de rêve, le punch… la carte postale idyllique surgit dès que l’on parle d’outre-mer. Les agents du Cirad, toutes catégories confondues, travaillant dans les DOM bénéficient très distinctement de rémunérations majorées et d’avantages conséquents selon leur lieu de recrutement.

La question de la sur-rémunération des Ciradiens dans les Dom date de la création de l’établissement en 1984 mais elle a été réellement mise en débat en 1988 alimentant une polémique sur l’application de l’article 44 (Rémunération des agents en service hors de France métropolitaine) du règlement général du Cirad.

En effet, en constatant que les locaux ne pouvaient être exclus des agents qui étaient affectés hors de France métropolitaine, alors il y eu, la création de deux conventions. L’une pour les agents recrutés en métropole et l’autre pour les agents recrutés dans les DOM.

Alors abordons sans tabou les problèmes qui fâchent en consacrant la première partie de cet article à l’une des primes les plus substantielles au sein de l’entreprise : l’indemnité d’éloignement (IE)

Le Cirad, Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC), est un opérateur de L’État.

A ce titre, il exerce une mission de service public. Mais contrairement aux fonctionnaires le personnel du Cirad est géré dans des conditions de droit privé.

Malgré cette différence de statut, la Direction du Cirad a légitimement considéré que les salariés affectés hors de France métropolitaine ne pouvaient être écartés des dispositifs de sur-rémunération comparativement aux agents du secteur public.

Mais à quel prix ?

Sans s’attarder sur l’histoire, dans les années 50, les conditions de vie dans les DOM étaient difficiles, les infrastructures essentielles n’existaient quasiment pas et les produits manufacturés étaient rares et chers par rapport à la métropole. Si bien que pour attirer les français du continent et les jeunes diplômés locaux, un dispositif de majoration de la rémunération avait été mis en place par la loi du 3 avril 1950. Ainsi naissait, la majoration de traitement des fonctionnaires, justifiée par la cherté de vie outre mer. A cela se juxtaposent d’autres avantages comme le congé bonifié pour les fonctionnaires originaires des DOM et travaillant dans l’hexagone.

Par ailleurs, comme il fallait à la même époque à peu près un mois en bateau pour se rendre de métropole à la Réunion, alors le régime de rémunération des fonctionnaires a été aménagé et a été instituée la prime d’éloignement. Mais elle a été abrogée au fil du temps compte tenu de la réduction du temps de trajet entre les DOM et la métropole.

Au Cirad, la question de la sur-rémunération des agents affectés dans les régions ultra périphériques n’a pas échappé à la règle compte tenu de la conjoncture socio-économique sévissant dans les pays d’outre-mer et plus particulièrement dans les DOM.

Certains dirigeants ont voulu réduire de manière progressive ou brutale le complément de salaire accordé aux seuls agents expatriés dans un DOM. D’autres ont préféré la sur-rémunération de tous les agents travaillant sur ces îles, quitte à créer une inégalité de traitement.

Après le conflit social de juin 1995 mené en vain par la majorité des agents du Cirad à la Réunion, la direction et les OS nationales ont abrogé 4 mois plus tard l’article 44 du règlement général (Rémunération des agents hors de France Métropolitaine) pour créer un accord d’entreprise en faveur des agents expatriés.

La négociation de cet accord s’est inscrite dans le cadre de la politique de redynamisation de l’expatriation au CIRAD, avec un double objectif :

-une amélioration de la prise en compte des sujétions particulières liées à l’affectation hors de France Métropolitaine par un aménagement des indemnisations servies aux agents.

            -une revalorisation de la carrière de l’agent affecté outre mer.

Ainsi naissait l’accord du 9 octobre 1995, dont les dispositions ont redéfini les conditions d’attribution des frais d’expatriation concernant d’une part les agents recrutés en Métropole puis affectés à l’étranger et d’autre part les agents recrutés en Métropole et affectés dans un département Français d’Outre-Mer.

En procédant ainsi, ‘‘les agents recrutés localement’’ ont été exclus d’office des avantages et des compléments de rémunération attribués exclusivement à nos collègues venant de métropole.

Contrairement à la fonction publique, au Cirad l’indemnité d’éloignement est toujours en vigueur. Elle est de loin l’une des plus importante en terme de coût pour le contribuable car elle représente à elle seule plus de 75 % du montant total de la sur-rémunération des expatriés dans les DOM et à l’étranger. Mais elle est accordée à une catégorie de personnel du Cirad. Elle est versée à l’agent pour tenir compte de l’éloignement de son lieu d’affectation ainsi que des sujétions particulières en résultant.

Revue et modifiée tous les ans par la Direction Générale l’IE est calculée en affectant au traitement de base un coefficient, lui même déterminé par l’application de 6 critères dont l’éloignement géographique, la langue, le climat, les conditions politico-économiques, l’environnement socio-culturel et l’environnement sanitaire.

L’IE est obtenue en multipliant la valeur du point en vigueur au moment de l’affectation par le coefficient d’éloignement calculé par pays et par un indice variant selon la catégorie de l’agent. Par exemple dans le département de la Réunion, ce coefficient représentait au départ 0,25 . Il est passé immédiatement après la grève de 1995 à 0,30

Cette indemnité est aussi majorée en fonction de l’ancienneté de l’agent, mais aussi pour technicité à raison de :

-3% par année d’ancienneté jusqu’à 25 ans

-à partir de 26 ans d’ancienneté, cette majoration est de 3% par période deux années supplémentaires.

Le tableau joint illustre concrètement le montant mensuel de la prime d’éloignement que touche un salarié privilégié au Cirad.