CIRAD : un CSE unique au sein d’un établissement réparti sur 680 000 km2
Depuis le 1er janvier 2018, le Comité social et économique (CSE) remplace, en les fusionnant, les actuelles institutions représentatives élues du personnel : délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT.
La création du CSE révolutionne la représentation du personnel dans l’entreprise. C’est une transformation sans précédent depuis les lois Auroux de 1982. Pour l’UNSA, ce passage est un moment capital car elle détermine la représentativité des syndicats au niveau de l’entreprise et elle contribue à la représentativité au niveau des branches professionnelles comme aux niveaux national, territorial et interprofessionnel.
Dans le contexte des nouvelles dispositions, l’efficacité de la représentation du personnel et sa capacité à exercer l’ensemble des attributions qui lui sont dévolues dépendra notamment de la possibilité d’adapter sa configuration à la réalité d’entreprise.
Il faut notamment se souvenir qu’en matière de santé au travail, la proximité avec le terrain est un paramètre important. Dans une circulaire du 25 mai 1993, le Ministère du Travail écrivait à propos du CHSCT : « en raison du caractère spécifique des missions de l’institution, il a paru nécessaire que celle-ci fonctionne au plus près des situations de travail des salariés et que ses membres puissent intervenir à leur égard le plus facilement possible : le critère géographique revêt donc une importance toute particulière pour la définition de l’établissement au sens du CHSCT ».
Si les ordonnances ont logiquement pour vocation de simplifier la représentation élue du personnel dans les entreprises, encore faut il qu’elle soit adaptée à la réalité de l’entreprise.
Il est donc d’importance capitale de négocier un accord de mise en place du CSE et de bien veiller notamment à ce que la concentration des prérogatives au sein d’un CSE unique, autrefois partagées entre plusieurs instances et sur des périmètres géographiques différents, ne nuira pas à l’efficacité de la représentation du personnel.
Le CIRAD, qui compte déjà des institutions représentatives du personnel sur tout le territoire national (métropole et outre-mer), devra mettre un CSE en place au terme des mandats des élus arrivant à échéance le 6 octobre 2019.
En amont des élections prévues le 7 octobre 2019 dans l’ensemble du CIRAD, les organisations syndicales représentatives de l’entreprise (CFDT, CGT, CFTC et CFE-CGC) concentrées à Montpellier ont préalablement négocié un accord d’entreprise relatif à la mise en place du CSE et à la désignation des représentants de proximité. Cet accord a été signé le 17 juillet 2019 et n’a toujours pas été mis en ligne sur le site de Légifrance mais le personnel intéressé peut toujours le consulter sur le site intranet du CIRAD.
Il s’agit d’un accord d’entreprise qui, avant le protocole d’accord préélectoral (PAP), définit et précise la façon dont le CSE au CIRAD fonctionnera. Après les échéances électorales du mois d’octobre 2019, il n’y aura plus ni délégués du personnel (DP), ni comité d’entreprise (CE), ni comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans tous les établissements et sur tous les sites du CIRAD.
Sans être exhaustifs, nous allons essayer de comprendre comment les négociateurs et la direction du CIRAD sont arrivés à conclure un accord atypique pour l’ensemble des salariés : les uns rattachés à la France métropolitaine, les autres rattachés au DROM.
En premier lieu, la direction et les partenaires sociaux ont convenu que le CIRAD est un établissement unique, compte tenu du fonctionnement organisationnel de l’entreprise et de ses spécificités géographiques. De ce fait, les négociateurs ont décidé de constituer au sein du CIRAD un CSE unique et d’instaurer des représentants de proximité dans chaque établissement (Montpellier, Paris, Réunion, Antilles, Guyanne…) en lieu et place de CSE d’établissement.
Finalement, ils ont littéralement considéré que « que le CIRAD constitue un seul établissement et que, par conséquent, il ne comporte pas au moins deux établissements distincts au sens du cadre légal de mise en place du CSE. Par la suite, elles conviennent de mettre un CSE unique au niveau du CIRAD ».
Par la suite, les négociateurs ont procédé au découpage de l’entreprise pour la mise en place dans chaque établissement d’un collectif de représentants de proximité (CRDP). La proximité devient une règle à bien comprendre. Soit les élus assurent directement la proximité avec leur moyens propres pour les entreprises à site unique, soit on négocie la proximité avec les RP parce que les unités sont dispersées ou les salariés travaillent hors de l’entreprise (art L2315-1).
Le CIRAD comptera ainsi 6 CRDP répartis dans chaque établissement répartis en France
Qu’est qu’un collectif de représentants de proximité au sens de l’accord collectif du 17 juillet 2019 signé par le CIRAD et les partenaires sociaux ? C’est un collectif composé de RDP désignés par les membres élus titulaires du CSE. Il n’a pas la personnalité civile dont seul le CSE bénéficie.
Dans la limite du périmètre de l’établissement concerné, il a pour vocation de gérer les activités sociales et culturelles (ASC), de porter les réclamations individuelles et collectives des salariés auprès du directeur régional de l’établissement concerné et d’intervenir dans le cadre de la santé, la sécurité et les conditions de travail sous le contrôle du CSE basé en métropole.
Le CRDP a délégation du CSE pour gérer la dotation qui lui est attribuée pour son fonctionnement et celle des ASC. Il comprend un bureau avec un secrétaire et un trésorier exerçant eux-mêmes leurs activités sous la tutelle du CSE.
Sur le fond des ordonnances l’UNSA-CIRAD n’est pas opposée au principe de centralisation des IRP en une seule instance pour toutes les missions mais nous considérons que c’est bien au plus proche du terrain que l’on est le plus à même de négocier, en tenant compte des réalités vécues par les salariés dans les différents établissements du CIRAD, plus spécifiquement ceux qui sont situés outre-mer.
Les ordonnances ne sont pas des textes que l’on s’approprie facilement. En effet, elles constituent un projet de transformation du code du travail d’une ampleur inégalée car elles modifient non seulement des aspects juridiques mais, plus profondément encore, l’esprit du code du travail et des relations sociales, en renforçant la décentralisation du dialogue social.
Malheureusement, au CIRAD, nous avons encore perpétué une organisation archaïque d’un dialogue social concentré en mettant la représentation des salariés du CIRAD dans les territoires ultramarins encore plus en danger.